Hasard, père des rencontres | ft. Sébast Arviel

Le travail, encore le travail... Depuis son arrivée, Hedwige n'avait pas eu de répit. Chaque journée commençait avec le levé du soleil, se passait dans des salles majestueuses mais closes, où de nombreux pontes, administrateurs, et même la reine Elincia, avaient épluchés et épluchés encore et encore les traités qu'elle avaient rédigés avant son départ de Begnion et affinés tout au long de son voyage. Elle avait à peine le temps, le soir, de se laver et de manger un repas léger avant de s'écrouler sur son lit, dans la suite qui lui avait été allouée.

Mais les résultats se précisaient. Nombre de traités avaient aboutis, et ceux qui restaient étaient en cours de copie chez des scribes du palais. Aussi, enfin, la diplomate trouvait une journée de libre dans son emploi du temps surchargé. Elle avait pensé avec regret à ses enfants, restés avec sa sœur à Sienne. Elle aurait bien profité de la journée pour les emmener visiter Mélior avec elle, s'ils avaient étés là... Mais l'instabilité actuelle l'avait poussée à les laisser avec Elise. Elle s'en félicitait lorsqu'elle repensait aux rencontres qu'elle avait fait durant le trajet.

Et bien tant pis. Si elle ne pouvait pas emmener ses enfants avec elle en ville, elle pouvait tout de même sortir leur acheter quelques souvenirs ! Munie de quelques pièces pour ses emplettes, qu'elle gardait dans une bourse accrochée à sa ceinture non par une simple ficelle mais par une tresse d'argent, ce qui la protégeait des coupeurs de bourses, elle descendit du palais jusqu'à la ville elle-même. Drapée de sa cape bleu roi, elle était suivie de deux gardes, car elle ne pouvait raisonnablement pas se déplacer sans une certaine protection, malgré le tome de lumière toujours présent à sa ceinture. Trop de gens seraient heureux de l'assassiner pour faire capoter les accords entre Begnion et Criméa. Notamment, la diplomate avait eu vent de rumeurs inquiétantes concernant des cultistes vénérant les quatre messagers de l'apocalypse, typiquement le genre de vermine qui aurait tout intérêt à la tuer.

Bien que ces inquiétudes fussent toujours présentes dans son esprit, elle put trouver un marché auquel elle se procura quelques tissus, dont elle fit faire des vêtements taillés selon la mode locale pour Willow et Rowane. Elle les fis sciemment taillés deux tailles trop grands, de manière à ce qu'ils aillent à ses enfants lorsqu'elle pourrait enfin les retrouver. L'artisan chargé de la confection des vêtements lui indiqua que sa commande serait prête dans les deux jours à venir, aussi usa-t-elle d'encore une pièce pour se procurer une michette de pain tout juste sortie du four avant de se diriger vers une zone moins peuplée de la ville. Elle était exténuée, tendue par des jours et des jours de tractation, et elle avait grand besoin de se détendre !

C'est ainsi qu'elle trouva le chemin d'un jardin publique. Bien sur, de nombreux habitants locaux s'y trouvaient, qui se baladant, qui y mendiant auprès des plus riches. La famine touchait même la capitale, et le spectacle lui fendait le cœur... Elle adressa une prière à Ashera pour voir arriver la fin des tractations et le début des actions, puis s'installa sur un banc, encadrée de ses gardes, pour manger sa miche de pain. Les ingrédients n'étaient pas excellents, la farine était pâteuse et manquait de saveur, mais c'était bien meilleur que ce qu'elle avait eu l'occasion de consommer durant son voyage. Considérant l'état de Criméa, c'était un miracle de pouvoir trouver un si bon pain. Les avantages de la capitale sans doute...

Plus il parlait, et plus les sourcils d'Hedwige montaient sur son front. Mais... Mais sur quel genre de personnage était-elle tombé ? Elle était arrivée à Mélior depuis quelques semaines, qu'elle avait littéralement passées au palais à travailler, elle sortait prendre l'air, et voila qu'un monsieur bizarre en toge l'abordait pour spéculer sur ses motivations, sa famille... Et en tapant totalement à coté en plus de ça. Un homme qui prétendait connaitre ses motivations, ce qui lui était cher... A vrai dire, la diplomate était en train de réviser son jugement sur l'inconnu.

Elle ressentit pendant quelques secondes l'envie de répliquer à ses assertions, de lui dire à quel point il se trompait. Puis elle se dit que ce serait faire son jeu, et que ce serait en outre parfaitement inutile. Elle n'avait pas de temps à perdre à discuter avec un homme dont le principal passe-temps était d'inventer des histoires au sujet de personnes rencontrées par hasard dans la rue.

Elle laissa échapper un léger rire.

- Écoutez... Je vois bien que vous êtes conteur, et que votre situation est précaire. Habituellement, je préfère œuvrer à un niveau plus profond pour améliorer la vie des gens comme vous mais...

Elle se releva de son banc. Ses gardes n'avaient pas bougé d'un pouce. Rapidement, elle plongea sa main dans sa bourse et en tira quelques pièces qu'elle tendit à l'inconnu en toge.

- Tenez, c'est bien peu de choses au regard de votre misère, mais j'espère que cela pourra améliorer votre quotidien, au moins pour une journée. Sur ce, je vous souhaite une bonne journée, et bonne continuation.

Une fois débarrassée des pièces qu'elle tendait au conteur, elle s'étira avec un léger sourire. Elle avait terminé ce qu'elle avait à faire en ville de toute manière, et elle avait hâte de voir où en était le travail des copistes. Elle avait également dans l'idée de consulter quelques documents, afin de se rafraichir la mémoire sur certains sujets qui lui paraissaient importants dans ses négociations.

Pour elle, l'incident du conteur était pratiquement oublié. Par prudence, elle suggèrerait tout de même une enquête... Il n'était pas sain qu'un tel individu s'intéresse de trop près aux affaires diplomatiques. Il y avait après tout moyen qu'il fut un de ces fameux cultistes dont de nombreux rapports faisaient état... Pour une telle personne, semer le trouble chez les négociateur serait fort appréciable. Mais elle ne tomberait pas dans ce genre de piège, d'autant que ce spécimen s'y était pris d'une manière très maladroite.